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 DU MANDAT DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

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Benga NDJEME




Nombre de messages : 7
Date d'inscription : 18/07/2007

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MessageSujet: DU MANDAT DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE   DU MANDAT DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE EmptyMer 18 Juil - 15:47

Remarques sur le mandat du président de la République à travers la Constitution du Gabon

INTRODUCTION

La principale différence entre Monarchie et République réside dans le principe de limitation du mandat du chef de l’Etat. Si le monarque est par essence et par naissance élu à la fonction suprême, le président de la République est désigné, au suffrage universel, par ses concitoyens pour une durée bien définie. Il est, comme d’autres institutions constitutionnelles, soumis au principe de l’alternance. Et l’alternance au pouvoir est le terreau fertile des valeurs démocratiques. Elle sous-tend les principes d’égalité et d’universalité des citoyens. Le changement de dirigeant à la tête de l’Etat est, chacun le sait, le gage d’une saine compétition pour l’accession au pouvoir car il rend illicite toute tentative d’accession aux responsabilités politiques par l’usage de la force. En somme, la définition claire et précise du mandat du président dans une République est le premier facteur de stabilité et de paix internes ; à court, moyen et long termes. Or, tel ne semble pas être le cas du Gabon. En effet, aux termes de l’article 9 de la Constitution du 26 mars 1991, « le président de la République est élu pour sept (7) ans au suffrage universel direct. Il est rééligible » (Loi constitutionnelle L 13/2003 du 19 août 2003). Cette formule est située aux antipodes des modèles français et américain dont le régime gabonais se rapproche, puisqu’il est à la fois semi-parlementaire et semi-présidentiel. En France, la loi constitutionnelle 2000-64 du 2 octobre 2000 réduit le mandat du président de la République à cinq (5) ans. Et même si la question du renouvellement du mandat n’est pas tranchée dans la Constitution, la vie politique française dispose de deux balises actives que sont l’honneur et la responsabilité. L’usage sous le régime dit de la « Ve République » n’a jamais permis au chef de l’Etat sortant de solliciter plus de deux mandats. Aux Etats-Unis, l’article II de la Constitution du 17 septembre 1787 fixe également les termes du mandat du chef de l'Etat et du gouvernement. Le président des Etats-Unis d’Amérique reste « en fonction pendant une période de quatre ans » (Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN, Les grandes démocraties, Armand Colin, Dalloz, 2005, Paris, p.10). Laquelle période est renouvelée une fois, pour atteindre un maximum de huit ans de mandature au bénéfice de l’homme le plus puissant de la planète. Hormis le cas exceptionnel de Franklin Delano Roosevelt qui a bénéficié d'un quadruple mandat, Ronald Reagan et William Jefferson Clinton, au sommet de leur gloire n’ont pu déroger à cette règle. D’où vient donc la spécificité du système politique gabonais pour que le pouvoir suprême soit dévolu à un homme sans prévoir de gardes-fou institutionnels ou éthiques ? C’est pour répondre à cette question, que je me propose d’examiner successivement les raisons du rejet de l’alternance au pouvoir (I) et les blocages au processus de démocratisation (II), que cette mentalité entraîne.

I- Les raisons du rejet de l’alternance au pouvoir

Un certain nombre de dictons lève le voile sur la psychologie et la sociologie des populations gabonaises. Ne dit-on pas que tout peuple a les dirigeants qu’il mérite ? Dans la plupart des langues du Gabon, il n’est pas rare d’entendre des équivalents de l’aphorisme populaire « on sait qui on perd ; on ne sait pas qui on gagne ». Ou encore, plus récemment, « on ne mange pas la paix, mais sans la paix il est impossible de manger ». Ces deux propos popularisés traduisent le mythe d’ « après Lui, le déluge » (A). Il s’agit donc d’un argument essentialiste savamment vendu à des populations maintenues dans l’indigence matérielle et culturelle. La connivence entre le Législateur, censé représenter la Nation, l’Exécutif et le Judiciaire qui a vocation à protéger les droits individuels, démontre qu’il se forme un système oligarchique au Gabon (B).

A)- Le savant mythe d’ « après Lui, le déluge »

Une parole prononcée par un illustre monarque révèle que ce dernier prédit le malheur de son peuple au terme de son règne : « Après moi, le déluge ! »(propos prêtés à Louis XV). Cette vision apocalyptique du fatum des Gabonais semble habiter le peuple, à qui les responsables politiques font croire qu’il y aurait un être pré-fabriqué pour gouverner le Gabon. Cette idée est entretenue par tous les courtisans qui grouillent dans la galaxie présidentielle en raison d’énormes avantages qu’ils protègent et voudraient voir prospérer à perpétuité. Il s’agit, en réalité, d’un mythe. Aucun homme n’est formaté pour présider aux destinées du Gabon. Nul n’est indispensable. Aussi vrai qu’il est avéré que l’accumulation des diplômes scolaires et universitaires ne suffit pas à faire d’une personne un éminent responsable politique, on ne saurait croire qu’il y en ait qui soient pré-destinés à la fonction la plus prestigieuse de l’Etat. Il n’existe d’ailleurs aucune école où l’on apprend à être président de la République dans un pays d’à peine un million d’habitants (l’équivalent de la population de Yaoundé au Cameroun). Même s’il faut reconnaître que la succession du premier président du Gabon s’est faite dans une transition sans couture, il convient aussi d’admettre que la poursuite normale du jeu de l’alternance au pouvoir ne menacerait en rien la stabilité et l’équilibre du pays. Le fonctionnement régulier des institutions constitutionnelles l’exige d’ailleurs. Je perçois, dans ces machinations de la classe gouvernante dans son ensemble, un complot ourdi contre la Nation. Une œuvre d’abêtissement forcé visant à maintenir la Majorité dans les ténèbres et la mendicité. Le résultat est sans appel car il n’y a plus d’espérance. Excepté dans l’abandon de sa liberté tout entière entre des mains peu rassurantes et décidées à étreindre le pouvoir jusqu’à étouffement. Et le fait que les institutions chargées de garantir les droits des citoyens et de représenter la Nation se rendent complice de cette confiscation du pouvoir est l’indice patent d’un système oligarchique.

B)- L’implantation d’un système oligarchique

Les systèmes d’organisation et d’exercice du pouvoir sont de différents types. En dehors de la démocratie, qui se revendique comme le pouvoir du plus grand nombre à travers des représentants régulièrement et clairement élus, il y en a d’autres caractérisés par la domination d’un seul homme ou d’un petit groupe. Comme le Gabon n’est pas- encore -une monarchie, il présente plutôt le visage d’un système oligarchique. Un groupe restreint d’individus s’est accaparé du pouvoir au détriment du Peuple. Comme dans une scène de théâtre, beaucoup de figurants côtoient les acteurs. Ce qui a le mérite d’entretenir l’illusion d’une ouverture ou d’un renouvellement des équipes. L’un des verrous du système ainsi créé est l’élévation à 40 ans de l’âge de candidature à la présidence de la République. Une disposition contraire au code électoral, qui reconnaît la majorité civile à 18 ans. L’article 10-6 de la Constitution traduit également le recul dans les droits individuels et l’épanouissement des institutions. La législation constitutionnelle était nettement plus avancée en 1967, puis que le chef de l’Etat est arrivé au pouvoir à 32 ans. Dans le même ordre d’idées, les grandes démocraties qui nous servent de repères tels la France et les Etats-Unis élisent leur président à partir d’un âge beaucoup moins élevé. Selon l'interprétation que le Conseil constitutionnel français fait de la Loi 62-1292 du 6 novembre 1962 (article 3 II) et du Code électoral (article L.O. 127), l'éligibilité est reconnue au candidat ayant atteint l'âge de 23 ans révolus. L'âge minimum autorisé pour être élu à l'Assemblée nationale ne peut qu'être la norme applicable aux candidats à l'élection présidentielle. Ainsi, en 2002, Olivier Besancenot s’est porté candidat pour le compte de la Ligue communiste révolutionnaire à 27 ans. Pour sa part, l’article II-5 de la Constitution des Etats-Unis limite à 35 ans l’âge des américains voulant se présenter à l’élection du président. En comparaison avec la Loi constitutionnelle L.1/97 d’avril 1997, qui fixait le mandat présidentiel à 7 ans, renouvelable une fois, le Gabon semble même être en recul par rapport à lui-même. Est-il moralement permis de laisser croire qu’un Gabonais ou une Gabonaise trentenaires ne soient plus dotés, comme en 1967, des capacités physiques et mentales nécessaires pour prétendre à la fonction suprême ? Et pourrait-on trouver une justification juridique à la grande disparité des âges du candidat entre la France, le Gabon et les Etats-Unis ? Quelle que soit la dimension considérée, aucun élément objectif ne justifie, à mes yeux, le « vieillissement » de la « majorité présidentielle » à 40 ans au Gabon. Le même citoyen qui est élu au Palais Léon M’ba à 33 ans me paraît suffisamment mature pour exercer les charges, pas si extraordinaires, de président de la République. Le Gabon comporte d’ailleurs un précédent glorieux et vivant dans son histoire constitutionnelle. La pérennisation du mandat du président de la République et le « verrou quadragénaire » requis pour l’élection présidentielle sont deux des principaux écrous délibérément fixés sur le moteur de la démocratie gabonaise.

II- Les blocages du processus de démocratisation

L’intéressante étude de Tim AURACHER (Le Gabon, une démocratie bloquée ? Reculs et avancées d’une décennie de lutte, L’Harmattan, Paris, 2001) montre bien comment le jeu politique et le verrouillage institutionnel tendent à bloquer le développement de la démocratie au Gabon. La question du mandat du président de la République, qui y transparaît en filigrane, est au cœur de ce débat. Le mode de scrutin à un tour, adopté en 2003 ; l’élévation de l’âge de candidature et le caractère illimité du mandat ne peuvent profiter qu’à une catégorie restreinte de citoyens. Si ce n’est à un citoyen tout particulier. Les errements d’une telle conspiration politico-juridique sont catastrophiques pour les valeurs d’égalité et d’universalité pourtant proclamées par la Constitution. Alors que la République postule l’institutionnalisation, le système gabonais donne plutôt lieu à l’individualisation de la fonction présidentielle (A) et au danger d’une Constitution taillée sur mesure (B).

A)-L’individualisation de la fonction présidentielle

Le président de la République est devenu le nom d’un homme. La graphie en dit long sur la considération presque paternaliste que la Constitution et les textes officiels accordent à ce nom : toutes les lettres du sigle PR sont en majuscules, alors que la seule lettre capitale doit revenir à la République comme cela se fait dans les démocraties. Notre professeur de Droit administratif nous le fit souvent remarquer, sans qu’on y prêtât réellement attention. Il y a dans cette graphie, un sentiment diffus de traiter d’un homme, au lieu de désigner l’institution que l’individu représente. D’où l’appréhension de certains intellectuels à s’aventurer sur ces questions, qui constituent malheureusement le substratum de toute vie en société. Il est essentiel de rappeler aux gouvernants qu’ils ne sont que les dépositaires précaires et provisoires du pouvoir qui leur est conféré. Ils ne sauraient, en aucun cas, se confondre avec les institutions qu’ils incarnent à titre passager. Qu’un citoyen se fasse la promesse de rester au pouvoir à vie, est son droit le plus absolu. Dans une République et une démocratie pluraliste, les libertés politiques sont reconnues à tous les citoyens. Cependant, que la Constitution et l’éthique politique nationales ne préviennent toute dérive vers les systèmes patrimoniaux est inquiétant pour l’intégrité des institutions et de la vie des Nations. En effet, la rédaction de la Constitution du Gabon laisse à penser qu’elle légitime, a posteriori, le pouvoir des individus.

B)-Le danger d’une Constitution taillée sur mesure

L’un des rudiments que tout étudiant en Droit apprend à l’amphithéâtre est la Constitution. Règle ou plutôt corpus normatif d’où dérivent toutes les autres règles de l’Etat, la Constitution est le régulateur de la vie des institutions et de la société dans son ensemble. C’est pourquoi certains savants des sciences juridiques l’appellent la « Mère des Lois ». Or, la Loi est impersonnelle, générale et coercitive. Elle s’applique à tous ; à l’exception des régimes seigneuriaux qui, selon le droit positif, n’existent pas au Gabon. Comment comprendre que les révisions constitutionnelles n’interviennent qu’à l’orée ou au lendemain d’élections, au demeurant contestées ? Telle est la source du malaise vivement ressenti par tous les observateurs des institutions gabonaises. Les règles réputées générales et impersonnelles ont tendance à s’adapter à la volonté des acteurs politiques, alors que ceux-ci devraient en principe s’y conformer. Dans ces conditions, la sécurité du système juridique devient précaire et l’Etat ne se réduit, en définitive, qu’à la somme de ses gouvernants. Le caractère souple de la Constitution du Gabon et son incapacité à encadrer les faits politiques majeurs sont des agents handicapants pour les valeurs démocratiques et républicaines auxquelles tout Peuple aspire. Le plus consternant est de constater que ce détournement de Souveraineté se fait au nom d’une pseudo stabilité dont le bénéfice ne va pas à la Nation. La limitation des abus de pouvoir contre lesquels la Constitution est censée lutter n’a de réel intérêt qu' au sein des programmes de la Faculté de Droit et des Sciences économiques.

EN CONCLUSION...

En dehors de son habillage cosmétique, j’ai plus que jamais le sentiment que la Constitution du 26 mars 1991 est « une barrière de papier ». Pourtant, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen à laquelle le Préambule de la Constitution du Gabon se réfère prévient en son article 16 que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». C’est pour élucider l’autre aspect des systèmes "patrimonialisés" que je m’attacherai à examiner la question de la séparation des pouvoirs dans ma prochaine observation.


Benga NDJEME
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